Comprendre la machine humaine avec Léonard de Vinci
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Temps de lecture :L’exposition nous fait découvrir un aspect moins connu de l’œuvre Léonard de Vinci : son travail sur l’anatomie humaine. Comment, à l’époque, a-t-il pu réaliser des recherches aussi élaborées ?
C’était l’âge d’or de l’anatomie, particulièrement en Italie, à la fois pour les scientifiques et les artistes. Au sortir du Moyen-Âge, on ne savait presque rien du corps humain, il était très peu représenté, notamment en raison d’un contexte clérical dominant. Parallèlement aux premiers anatomistes, des artistes comme Michel-Ange ou De Vinci ont commencé eux aussi à étudier le corps humain, sans doute pour mieux le dessiner ou le sculpter. Mais De Vinci, qui avait un esprit autant scientifique qu’artistique, voulait mieux comprendre comment marchait la machine humaine.
L’Église n’a pas dû apprécier pareille « hérésie » ?
Pas tant que cela, sauf peut-être lorsqu’il a procédé à des dissections à Rome. À ce moment-là, il a été dénoncé par des médecins qui ne comprenaient pas pourquoi un tel personnage s’intéressait à l’anatomie. Sans doute un peu par jalousie, vu la qualité de son travail. Il faut surtout dire que Léonard de Vinci ne disséquait pas en secret. Cette pratique était officielle et il était généralement entouré d’un collège de scientifiques. Il avait besoin de mentors et il a fait appel à de nombreux chirurgiens pour l’accompagner. Il était introduit, demandait systématiquement des autorisations. L’activité était reconnue et encadrée dans une période où on commençait à s’intéresser à l’homme pour ce qu’il est… Et, sans les encourager, l’Église n’empêchait pas ces pratiques très normées.
Au sortir du Moyen-Âge, on ne savait presque rien du corps humain, il était très peu représenté, notamment en raison d’un contexte clérical dominant.
Ces travaux ont-ils fait avancer la recherche ?
Jusqu’à la Renaissance, l’anatomie était une science qui suivait les préceptes de Gallien, un médecin grec très influent à Rome au second siècle, dont les enseignements faisaient encore école. Or ses travaux en anatomie étaient fondés exclusivement sur la dissection animale. Il était enseigné dans les facultés et on extrapolait donc l’anatomie animale à l’homme… Ce qui paraît un non-sens ! Si les travaux de De Vinci n’ont pas servi directement à la science, ceux des scientifiques de la Renaissance en général ont évidemment éclairé le monde sur l’anatomie humaine et affranchi la science de la pensée de Gallien.
Ces études devaient servir à un traité de l’anatomie que De Vinci ne publia jamais. Pourquoi ?
Une des raisons essentielles est sûrement la somme considérable de travail que cela aurait représenté, notamment parce que De Vinci écrivait à l’envers. Il aurait fallu remettre toutes ces notes à l’endroit ! Et lorsqu’il dessinait, il mélangeait fréquemment sur une même planche des organes qui n’avaient rien à voir entre eux. Là aussi il aurait fallu remettre de l’ordre ou carrément refaire des séances de dissection. Il faut croire que ses travaux, faits dans un certain désordre, n’avaient pas pour vocation de figurer dans un traité d’anatomie. Et pourtant, l’histoire veut qu’il aurait commencé…
Lorsqu’il dessinait, Léonard de Vinci mélangeait fréquemment sur une même planche des organes qui n’avaient rien à voir entre eux
De Vinci était-il extra-terrestre ou simplement insomniaque ?
C’était un esprit en éveil constant… Alors oui, il dormait peu. Mais c’est un personnage à qui on prête bien des mystères ! C’est aussi pour cela qu’il fascine toujours autant.
Découvrez l’exposition Léonard de Vinci et l’anatomie : la mécanique de la vie, du 9 juin au 17 septembre au Château du Clos Lucé :
Le + : L’exposition propose une vidéo montrant les squelettes en 3D des apôtres de La Cène, afin de mettre en lumière la position des corps. Chaque image respecte scrupuleusement l’attitude des personnages. Le visiteur prend la mesure des connaissances en biomécanique de Léonard de Vinci et de leur restitution dans son travail de peintre.
On y va en gardant à l’esprit que Léonard de Vinci ne disposait d’aucun moyen moderne, ce qui rend son travail à l’œil nu et à main levée encore plus impressionnant !